Jeudi 27 janvier 2000. Un court trajet en train pour me rendre à Toulouse, qui sera le début du premier voyage de l’an 2000. Je rejoins mes compagnons de route, étudiants à l’ENSEEIHT. Le bureau du Club se trouve au grand complet : Président, Secrétaire et Trésorier. C’est du sérieux !
En route vers Blagnac pour rejoindre l’aéroport, le soleil brille, mais c’est encore un vent froid d’hiver qui souffle. Emballement des vélos dans des cartons fournis par Air France, mais comme nous n’avons rien pour les scotcher, l’emballage est bien aléatoire ! D’autant plus qu’il y a changement d’avion à Lyon, et les bagagistes se fichent pas mal de la fragilité de ces encombrants cartons.
Un dernier saut par-dessus les Alpes où le Mont Blanc se détache bien, illuminé par le soleil couchant. La traversée de la Méditerranée avec un bref aperçu de la Corse et de la Sardaigne, et c’est Tunis. Il fait nuit noire, dès la sortie de l’aéroport nous partons en quête d’un logis.
Cela ne s’avère pas facile, cette banlieue de Tunis n’est pas prévue pour le touriste : La Goulette, Carthage ou, Salambo, sont des lieux où se succèdent les belles villas. On nous conseille d’aller à Sidi Bou Saïd, un village magnifiquement situé au-dessus du golfe de Tunis. Un hôtel aménagé avec goût, dans un cadre enchanteur, abritera notre première nuit, après un repas sandwich pris chez Christiane, une française au verbe haut qui tient ici un petit restaurant.
Vendredi. Le soleil est aussi matinal que nous. Après le petit déjeuner pris dans le jardin garni de fleurs, nous allons à la découverte de Bou Saïd, rendez-vous des artistes et des peintres. La ferronnerie des balcons, et les portes ouvragées, toutes en bleu, sont uniques dans le pays.
Un petit détour vers les ruines de Carthage, un vrai plongeon dans le passé avant de traverser sur un bac rustique, le canal de La Goulette. Sur l’autre rive, nous entrons dans les vergers d’orangers en pleine production. Pour midi le gros bourg de Menzel Bou Zelfa offre de quoi se ravitailler.
Après une incursion dans une épicerie, nous abandonnons toute idée d’acheter un repas pique-nique. Le petit restaurant du coin de la rue est plus économique et moins compliqué. Une copieuse ration de spaghetti nous est proposée, quant à la sauce tomate, c’est du pur piment, aie, aie, ça brûle le palais !
L’après-midi se partage entre la traversée d’oliveraies et de vergers d’agrumes, jusqu’à la plage de Nabeul, village spécialisé dans la poterie et les broderies. A travers les orangers et les jasmins nous irons jusqu’à Hammamet, station balnéaire renommée. Un hôtel assez chic est vite trouvé, nous aurons tout notre temps pour flâner dans la médina encombrée d’échoppes diverses. Il fait une douceur printanière.
Samedi. Par une route toute plate, nous contournons le golfe d’Hammamet, la mer est trop éloignée pour que nous puissions en profiter, le vent est nul, les oliviers sont partout. Une seule ville à traverser, Enfida. Nous y ferons le repas de midi sous la forme d’une jarre de soupe, composée de bouillon de pois chiches, d’un œuf cru versé dedans ainsi qu’un verre d’huile d’olive… bon appétit !
Le reste de la journée est bien calme, la chaleur se fait sentir jusqu’à Sousse, chef-lieu du Sahel où nous prenons le temps de visiter la médina entourée de remparts, et le Ribat, forteresse datant du 8° siècle, très bien conservée. Nous achèverons l’étape à Monastir, après avoir parcouru une région rendue fertile grâce à de savants travaux d’irrigation.
Monastir, ville du « farniente ». Une fois les vélos remisés à l’hôtel, nous parcourons la médina avec l’aide d’un guide improvisé. Il se plaît à nous expliquer que les portes cochères possèdent autant de marteaux, que de famille logeant ici. Il nous désigne les résidences d’été de célébrités du show-bis de chez nous, tel Frédéric Mitterand. Un repas spaghetti – toujours aussi relevés – achèvera cette belle journée.
Dimanche. Soleil, soleil, pour suivre la côte où les plages de rêve se succèdent. Il n’y a pas âme qui vive ! Changement de décor en s’enfonçant dans les terres. L’olivier nous submerge, les plantations espacées d’une vingtaine de mètres, s’étendent à perte de vue.
Ce n’est que vers midi que nous verrons au loin, l’important amphithéâtre d’El Djem. Ce monument colossal date de l’an 238, il pouvait contenir 60.000 spectateurs. A cette heure le soleil inonde l’édifice, c’est magnifique. Dans les ruelles commerçantes nous trouvons un petit restaurant dont les sandwichs sont si succulents que nous prenons double ration !
Lorsque nous repartons, le vent est favorable, aussi à plusieurs reprises nous ferons halte dans la nature pour assister à la récolte des olives ou, plus simplement photographier les fleurs qui abondent de toutes parts.
La journée s’achèvera à Sfax, seconde ville du pays. Des remparts protègent l’ancienne cité, ils ont fière allure, depuis le Moyen Age peu de choses ont changé. Nous trouvons un petit hôtel dans ses murs. Encore une fois, nous irons nous promener dans les souks où le cuir, le cuivre, l’argent et l’or abondent. Un repas couscous et quelques pâtisseries nous préparent pour une nuit réparatrice.
Lundi. Après un petit déjeuner à la mode tunisienne, acheté et consommé sur le trottoir. Il se compose de pain margarine confiture, et un bol de bouillie sucrée, nous retrouvons les oliviers où, en famille se fait à la main, la récolte des olives, un travail de patience.
Le revêtement de la route est rugueux, nous avons l’impression de ne pas avancer sur ces longues lignes droites au paysage immuable. Le premier bourg traversé, Menzel Chaker, est l’occasion d’une halte ravitaillement, des sandwichs appétissants sont les bienvenus.
La suite du parcours n’est pas plus variée, avec cependant un arrêt visite dans une des nombreuses petites fabriques d’huile d’olive. On nous explique complaisamment la transformation des olives, en ce beau liquide vert, qui jaillit d’une machine complexe.
Quelques côtes en fin de journée. Nous cherchons à nous loger dans les derniers villages rencontrés. Mais, il faudra se résigner à atteindre Sidi Bouzid, chef-lieu de gouvernorat, pour trouver un hôtel. Ce fut sans doute dans le passé, un édifice de luxe. Maintenant tout est à l’abandon, en tout cas les prix y sont très doux !
Mardi 1er février. Par une petite route traversant une vaste plaine maraîchère, qui semble très fertile, nous nous élevons doucement pour rejoindre la voie principale, près de laquelle s’étirent les gros tubes d’un pipeline. Ce qui nous mène à Sbeitla, en bordure de cette cité, nous voici plongé en plein empire romain.
Sufetula, ville romaine par excellence. Après être passé sous l’Arc de Triomphe de Dioclétien (1er siècle de notre ère), les vestiges s’étendent sur plusieurs kilomètres avec : Forum, temples, théâtre, basilique, aqueduc.
Pendant le parcours de ce site, nous sommes confrontées à une chaleur estivale. Au moindre coin d’ombre, nous faisons un arrêt. La visite s’achève par le musée où sont rassemblés les plus beaux objets trouvés au cours des fouilles. Le moment est venu de se restaurer, un copieux couscous fera l’affaire !
Nous allons vers les collines bordant l’Algérie. Le paysage devient désertique, des dunes ou quand même on a réussi à faire pousser quelques oliviers. Le vent de côté n’arrange rien pour notre progression qui s’arrêtera à Kasserine.
Kasserine, une petite ville qui eut, elle aussi sa période romaine, comme l’atteste un site archéologique. Mais pour l’instant, ce qui nous intéresse c’est de trouver un hôtel. Il faudra l’aide d’un autochtone, car ici, tout est écrit en arabe, aucun de nous arrive à en déchiffrer une lettre !
Enfin logés, c’est la promenade habituelle dans les souks. Un repas sandwichs, et une dégustation de diverses pâtisseries, la routine !
Mercredi. Nous allons prendre la direction plein Nord, et vent de face, pour traverser une région désertique longeant le djebel de Tébessa. Nous franchirons même un col à 1003 mètres d’altitude, au loin des sommets découpés et arides, il n’y a pratiquement aucune habitation sur cinquante kilomètres.
Dans la petite ville de Thala, située à l’extrémité d’un plateau, un restaurant propose d’appétissantes brochettes, et des merguez, nous y ferons bombance. Les vélos laissés un peu à l’écart auront la visite de chapardeurs, casquette et stylo ont disparus. Le livre de technologie informatique, bible de Marc, lui sera rendu par un passant anonyme, c’était sans doute trop ardu à déchiffrer ?
Une longue et belle descente pour atteindre la vallée de l’oued Sarrath qui forme une vaste plaine céréalière. C’est par ici que se situent les mines de phosphates, qui constituent une des richesses du pays, elles ont donné un peu de vie dans cette contrée morne et stérile.
Au loin, la ville du Kef s’étage au sommet d’une colline, l’atteindre oblige une montée qui nous semble interminable, d’autant plus que la ville s’étire en un boulevard panoramique épousant le relief de la colline. Au centre ville, un homme serviable, mais intéressé, nous mène à l’hôtel de la Source.
Quelle découverte ! Ses fondations remonte à l’époque romaine, nous nous voyons attribuer la « chambre royale », qui possède un décor fantastique d’arabesques et de sculptures, ainsi que du mobilier remontant à un autre siècle.
Jeudi. Ce matin, pour la première fois depuis notre arrivée en Tunisie, le ciel est chargé de nuages. Après un petit déjeuner au gruau, nous allons redescendre vers la plaine bordée d’un côté par les Monts de Téboursouk, de l’autre de collines boisées. Le chêne liège, une autre richesse du pays y est cultivée abondamment. L’altitude diminue doucement, la végétation redevient méditerranéenne.
Les romains ne s’y sont pas trompés. Par ici de nombreux sites rappellent que des villes, parfois importantes, y étaient établies. Ainsi à la sortie du village de Le Krip, les ruines de l’antique Musti dont le gardien nous explique la vie dans cette cité, il y a 2000 ans. Pourtant à peine un quart du lieu a été fouillé !
Une dizaine de kilomètres plus loin, au terme d’une longue montée vers le sommet de la colline, c’est la ville de Dougga qui nous replonge à l’époque romaine : Le théâtre, les termes, les temples dédiés à Céleste et à Saturne, par-dessus tout cela, un soleil de rêve !
Reprenant notre chemin, nous rencontrons le site d’Aïn Tounga, encore des vestiges romains, mais ceux-ci sont à l’abandon, les moutons qui débroussaillent… pourtant, encore une fois, nous serons impressionnés par l’ampleur de ces constructions.
A la ville voisine, Testour, l’unique hôtel est fermé, il faut pousser dix kilomètres plus loin. La nuit va nous surprendre dans les derniers kilomètres. Enfin le panneau Mediez el Bad et, à côté un hôtel, nous n’irons pas chercher plus loin. Il fait même restaurant, alors pourquoi se priver ? Nous y dégusterons même une bonne bouteille de vin du pays, du Khalifa, un rouge bien corsé.
Vendredi. Au lever, surprise. Il vient de faire une averse. Le soleil est vite revenu, mais la route s’est couverte d’une boue fine, collante. Nous mettrons des heures à nous en débarrasser. Nous avons pris la petite route de la vallée du Merdjerda, son parcours permet de découvrir de nombreuses fermes, qui furent à l’origine, propriétés d’européens. Pour la première fois, nous voyons des vaches.
Il y a très peu de circulation, heureusement, car les deux camions qui nous ont croisés, ont suffit pour nous recouvrir d’une pellicule de boue, quant aux vélos, n’en parlons pas ! Le soleil en séchant la route remet tout en place. Cela tombe bien, car dans la petite ville de El Bathan le marché bat son plein, les camelots présentent leurs produits à même le sol. Nous irons un moment, grossir le flot des badauds.
Il ne nous reste pas beaucoup de trajet pour entrer dans les faubourgs de Tunis. La partie moderne qui semble européenne avec de larges avenues, parcs, magasins luxueux. Le Palais du Bardo se trouve sur notre chemin, nous y ferons une halte.
De longues allées où circule une foule internationale, nous mènent à la Médina. Passé la porte qui en marque l’entrée, nous laissons la modernisation derrière nous. Un hôtel permet de remiser les vélos, nous pouvons déambuler en toute quiétude parmi les souks où s’entasse tout ce que l’on peut désirer. Dégustation de gâteaux, achats de souvenirs, le voyage s’achève !
Vendredi 4 février. Une dernière promenade dans la médina déserte à cette heure, avant de rejoindre l’aéroport. Les bicyclettes sont embarquées sans emballage. Un long arrêt à Nice pour attendre un vol qui nous mènera en début de soirée à Toulouse, où je n’ai que le temps de « sauter » dans un train, qui me ramène à la case départ : Montauban.
Mille deux kilomètres au compteur, le soleil permanent, des paysages intéressants. Une autre civilisation qui va bientôt s’uniformiser dans le modèle de l’Europe. Dépêchez-vous d’aller voir la Tunisie, tout y change rapidement !
Louis Romand.
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